SOMMAIRE

Chapitre 3 (3/3)

INDEX

(du 23/12 au 30/12)

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l...

23/12/02

Lieu : Varanasi

Ouf ! J’y suis arrivé ! Après 26 heures de trajet ! Le train n’a que 6 heures de retard… Il est donc plus de 22h00 quand le Janta Express (qui n’a d’express que le nom) arrive en gare de Varanasi… Je saute dans un rickshaw et direction la vieille ville et de nouveau le Gange… En chemin, on croise un convoi funèbre… La spécialité de Varanasi, c’est la crémation des défunts… Le mort repose sur un brancard porté par 4 hommes. Derrière suit la famille (seulement les hommes) et le bois ! Ma foi, tous m’ont l’air plutôt joyeux !

J’atterris finalement dans un hôtel sordide… Le patron essaie de me vendre tous les circuits touristiques habituels… C’est très bien… Maintenant j’ai une petite idée des prix… Mais dès demain, je change d’hôtel… En attendant je vais me coucher !

24/12/02

Lieu : Varanasi

Joyeux Noël à toutes et tous !

Om Namah Shivaye !

- Certains passages de mon récit sont assez « crus »…

Que cela ne vous empêche pas de festoyer… et de vous réjouir… La Vie est si courte… -

21h30… Cela fait 2 heures que j’attends en vain le retour de l’électricité… Je suis finalement monté sur le toit de mon nouvel hôtel, l’ « hotel Sonmony », juste au-dessus d’un ghat de crémation, le Harischandra Ghat. La pénombre règne sur les rives du Gange… Seuls les bûchers funéraires dégagent encore de lugubres lumières. Avec de temps à autres de terribles éclairs… Car il fait un orage du tonnerre et il pleut averse ! Je suis quand même descendu m’acheter quelques pâtisseries afin de fêter Noël dignement… Une grosse boîte… J’en ai offert au personnel de l’hôtel… Et je me goinfre en ce moment même en essayant de ne pas répandre de sucre sur mon clavier !

Toute la journée Varanasi a été plongée dans un épais brouillard humide. Le Soleil n’a fait qu’une timide apparition vers 15h00.

Me voici donc au cœur de la cité de la Vie et de la Mort. La mythique Bénarès… La ville où les Hindous souhaitent mourir afin d’aller directement au Paradis… A défaut, la ville où ils se font incinérer…

Main Ghat

Après avoir changé d’hôtel ce matin de bonne heure, je me suis rendu sur les ghats embrumés. Il fait encore très frais… Voire même très froid… Il n’y a pas grand monde mais les ghats semblent s’étendre sur des kilomètres. Et pas grand monde sur des kilomètres, ça fait au final quand même beaucoup de monde. Je suis en Inde… Il y a aussi pas mal de touristes qui se promènent… tout comme moi. Surtout des Japonais. Journée placée sous le signe des rencontres… et de la mort.

Première rencontre : Arti, une jeune Indienne de 13 ans… Elle vend des cartes postales afin de gagner l’argent nécessaire pour payer ses études. Cela lui coûte 600 Rs par mois, sans compter l’uniforme et les livres. Comme c’est une fille, semble-t-il plutôt intelligente, elle se voit délaisser par tous ses professeurs. Aussi elle bosse toute seule et croyez-moi, elle parle mieux l’anglais que moi ! Et sans ce fichu accent indien ! On discute quelques minutes… sur l’école… sa famille… son avenir… Je lui achète 11 cartes postales et on prend rendez-vous pour demain… Je vais lui donner des cours de français et elle va m’instruire en hindi. Autour de nous, quelques adultes se sont approchés et tendent l’oreille.

Un peu plus loin, je me fais brancher par Raj, un jeune Hindou âgé de 27 ans. Seconde rencontre. Il promène les touristes sur le Gange en bateau.

22h00… Retour de l’électricité… En fait, je sais que l’électricité est coupée chaque jour…

Je me laisse embobiner et j’embarque… Lui m’apprend (il parle également l’anglais correctement) qu’il doit marier sa sœur. 80 000 Rs pour la dote ! A 20 Rs le tour de barque, cela fait 4 000 touristes à promener… Alors il vend également de la drogue… Ensuite il espère mettre encore un peu d’argent de côté et ouvrir un salon de chai… La vie n’est pas facile pour tout le monde… On longe les ghats pendant près d’une heure dans sa barque… La fumée des bûchers se mélange avec le brouillard.

Troisième rencontre ; avec un Brahmane sur les ghats de crémation des morts. Je discute avec lui pendant un long moment… A quelques mètres, les cadavres se consument lentement. Il me parle essentiellement de la Gita (on prononce « guita »)… de la Vie, surtout de la Mort, de l’Être, de Dieu… et des molécules ! en faisant un crochet par Darwin et sa théorie de l’évolution… Bon, je l’avoue, je n’ai pas tout compris… Je regrette que mon hindi ne se limite encore qu’à une dizaine de mots… J’ai honte… Mais à défaut de comprendre la lettre, je perçois l’esprit…

Je ne vous parle pas des dizaines de personnes qui m’ont également abordé ce jour… Les masseurs, les vendeurs de substances « illicites », les diseurs de bonne aventure, les marchands d’offrandes et tous les autres qui m’ont proposé de m’emmener faire un tour en bateau…

Manikarnika Ghat

J’ai donc finalement atterri au Manikarnika Ghat, l’un des plus anciens et des plus sacrés de Varanasi. J’ai assisté au début et au déroulement de nombreuses crémations… Le ghat sous mon hôtel, le Harishchandra ghat, est également consacré au dernier voyage des mortels, mais il n’y a que deux ou trois corps… Ici, on en brûle 200 à 300 par jour… J’avoue que cela n’a rien de réjouissant… Surtout en ce jour de Noël !… En tous cas, c’est vraiment impressionnant… Surtout quand le tissu qui recouvre les cadavres a entièrement brûlé et que l’on discerne clairement le corps calciné… Les morts arrivent sur des brancards en bambous portés par les doms… des hors castes qui vivent aux abords du Fleuve. La famille suit derrière en poussant des acclamations… Les femmes sont interdites… Les pleurs empêcheraient l’âme d’atteindre le Paradis… Parfois, il peut même y avoir un orchestre de percussion ! Cela n’a rien d’une arrivée discrète ! Et cela semble même plutôt joyeux ! 

Après tout si le défunt est assuré de rejoindre le Paradis, il y a finalement pas de quoi s’attrister, si ce n’est sur son propre sort ! Les cadavres arrivent de Delhi, de Bombay, des Etats-Unis… à raison d’un toutes les dix minutes… Le mort, ou la morte, - on brûle aussi les femmes (pas seulement avec leurs défunts maris !) - est revêtue d’un linge de couleur : rouge pour les femmes, blancs pour les hommes, oranges pour les vieux… On brûle donc tout le monde ici… Enfin presque tout le monde (un certificat de décès de la police est même réclamé afin de pouvoir brûler les corps) : ainsi les enfants de moins de 10 ans, les femmes enceintes, les sadhu, les personnes décédées de façon non naturelles, les malades atteints de la variole ou de la lèpre sont condamnés à se réjouir des affres d’une nouvelle vie terrestre… Sous la forme d’une vache ?…. Pour tous ces infortunés payant le prix de lourds karma accumulés au cours de vies antérieurs, on se contente de les balancer dans le Gange… Avant d’être brûler, tous les corps sont également immergés quelques instants dans le Fleuve Sacré… C’est le fils du défunt (à défaut son frère…) qui a le privilège de mettre le feu au bûcher. Il doit en faire 5 fois le tour. Chaque caste possède son propre espace crématoire… Les prêtres (Brahmanes) et les « guerriers » (Ksatriya) d’un côté, les commerçants (Vaishya) et les « intouchables » (Shudra) de l’autre. C’est la dernière discrimination… Enfin peut-être… Je me demande si le système des castes perdure aussi au Nirvana… Un corps humain met plus de trois heures pour se consumer totalement. Certains os sont particulièrement coriaces… Pour ce faire, il faut un apport d’énergie de plus de 200 kg de bois. A 60 Rs le kilo de bois, cela représente une certaine somme et les touristes sont sollicités pour payer le bois des pauvres. Notamment celui de pauvres vieux et pauvres vieilles qui ont effectué leur dernier pèlerinage et sont venus attendre la mort ici.

Après 1 heure de combustion, environ, un des doms fracasse le crâne avec un grand bambou. Le prêtre du lieu, un Naga Sadhu, aide alors l’âme du défunt à rejoindre un monde meilleur… C’est l’Union de l’Eau, du Feu, de la Terre, de l’Air et du Vide… L’Esprit est libéré…

25/12/02

Lieu : Varanasi

100ème jour en Inde…

Encore vivant et sain(t) d’esprit !…

Le temps est demeuré maussade aujourd’hui. Le Soleil a passé sa journée à jouer à cache-cache avec les nuages de brume. Je prierai Surya, le Dieu du Soleil, ce soir avant de me coucher…

La journée m’a encore paru bien brève aujourd’hui… J’ai passé la matinée à essayer de trouver un accès Internet ouvert… J’ai bien parcouru la moitié de la ville à pieds ou en rickshaw… en vain… Quand finalement j’en ai trouvé un ouvert, la connexion était vraiment trop lente et je n’ai même pas pu vous envoyer la suite de mes aventures… Pour finir, j’ai même eu droit à une coupure d’électricité !

Je me suis ensuite rendu sur les ghats… Je viens de commencer la lecture du Ramayana… L’Histoire d’amour entre Rama (incarnation de Vishnou) et Sita (incarnation de Lakshmi), de Ravana (le Démon) , d’Hanuman (le Dieu Singe) et d’un cinquantaine d’autres personnages, créatures divines, démons et sages… C’est encore une super histoire !

Sur les ghats…

Arti me rejoint vers 3h00 p.m. Je lui apprends quelques phrases en français, et elle m’apprend quelques phrases usuelles en hindi… Très vite des curieux se joignent à nous… Ses deux jeunes frères sont assis sagement près de nous. Je lui donne quelques livres et lui rachète quelques cartes postales… Elle m’invite à prendre le thé un peu plus loin. Sur le ghat, tout le monde la connaît… Elle est super bavarde… Elle n’arrête que quand elle part vendre ses cartes à d’autres promeneurs étrangers. Ses 2 frères, Raja et Shiva, 7 et 4 ans, restent sagement près de moi… Il y a aussi plein d’autres enfants, également vendeurs de cartes postales ou d’offrandes. Arti parle aussi un peu le japonais ! En fait, il y a autant de Nippons à Varanasi qu’à Paris!

Je la quitte un peu avant la tombée de la nuit… Je m’arrête sur le ghat de crémation en bas de mon hôtel… Il n’y a que 5 bûchers en flamme et deux cadavres en attente du feu salvateur… Les nombreux Indiens venus accompagner les défunts dans leur dernier voyage sont accroupis autour des foyers. Silencieux… Méditatifs… Eux aussi finiront sur quelques bûches… Je monte sur le toit de mon hôtel afin de savoir si Rama parvient à sauver Sita des griffes de l’odieux Ravana…

26/12/02

Lieu : Varanasi

Pas bien le moral aujourd’hui… Après les mutilés d’Haridwar et les morts de Bénarès, je traverse cette période de fêtes avec de bien sombres pensées… Même Arti me l’a confirmé ce soir… Je fais la « gueule » !… Dès le réveil, j’ai senti que cela n’allait pas bien. Trop de brouillard. Je suis resté toute la matinée sur la terrasse de mon hôtel ! J’ai joué aux cartes avec le patron, bouquiné, regardé les morts partir en fumée et bu quelques chai…

Fort de Ram Nagar

Je ne me suis décidé à sortir qu’en début de journée… Belle balade à pieds jusqu’au Fort de Ram Nagar sur l’autre rive du fleuve. Un pont flottant d’au moins 200 mètres permet de traverser le Gange. Avant d’y accéder il faut descendre le Gange sur quelques kilomètres, et on sort des escaliers de pierre. Les berges consistent alors en une butte de terre. On se retrouve rapidement au milieu des chiottes du quartier et il faut faire attention où on met les pieds… Je m’assois quelques instants dans un coin isolé et encore « propre »… Et s’Ils avaient raison ?… - on commence à se poser ce genre de questions et on finit avec la barbe et le collier de fleurs…- . Non ici en Inde, ce n’est finalement pas important qu’Ils aient tort ou raison… Ce qui est important, c’est qu’Ils y croient… 

Nos sociétés occidentales se sont partiellement affranchies de toute idéologie religieuse. Ici la religion, au sens large du terme, incluant rites, coutumes voire traditions, dicte les actes, les paroles et les pensées de 80 % de la population ! Et ce n’est finalement pas plus mal… « La religion, c’est la nourriture des pauvres », comme l’a sûrement dit quelqu’un avant moi. Sans cette ferveur religieuse, qui justifie clairement les inégalités sociales, nul doute que les 1 350 000 pauvres demanderaient des comptes aux 50 000 riches du pays… Sans le poids des traditions, qui depuis la nuit des temps interdit les relations sexuelles hors mariage, quel serait l’impact du Sida sur une telle population ? (Je ne suis pas dupe, il doit y en avoir pas mal malgré tout…). Même les petits escrocs et les marchands requins essaieront de vous rouler dans la farine sans dévier d’un pouce des lois du Dharma ! J’ai discuté de tout cela avec un instituteur cet après-midi. Les instits sont aussi en vacances… jusqu’au 2 janvier… Noël (Christmas) est également célébré en Inde !… (Je pense qu’il faudrait tenir compte des fêtes hindoues dans notre propre calendrier scolaire !). J’ai aussi joué au badminton avec des gamins avant de visiter le musée du Fort… C’est à la mesure des 7 Rs demandées à l’entrée.

Le Soleil perce enfin la brume… Il doit être plus de 15h00… Dans 3 heures il fait déjà nuit… En traversant de nouveau le pont, je découvre deux cadavres pris dans les cordages. Une vache et un humain…

Je suis retourné à pieds jusque mon hôtel. Je traverse les mêmes quartiers embrumés de ce matin. Je suis seul… Je suis l’étranger…

J’ai finalement retrouvé Arti sur les ghats et on a un peu discuté en buvant un mini chai dans des tasses en terre qu’on balance après usage…

A la nuit tombante, je suis monté manger une assiette de riz et puis je suis passé aux nouvelles… La connexion n’est pas très rapide et j’y ai passé plus de 2 heures !… Enfin tout a l’air d’avoir fonctionné…

Arti et ses frères

27/12/02

Lieu : Varanasi

Tap ! Tap ! Tap!...

Retour du Soleil ! Derrière une brume légère… Tout de même… Je me lève vers 7h30, en fait dès que je m’aperçois que le Soleil est là… En 10 minutes je suis en bas sur les ghats… Cette fois je remonte les berges… Gymnastique matinale pour les uns, corvée de linges pour d’autres, yoga pour certains, balayage et nettoyage pour d’autres… Il y a aussi tout plein d’enfants qui jouent avec des cerfs-volants, des jeunes qui jouent au cricket, des masseurs, des loueurs de bateaux, des marchands d’offrandes, des dealers (du haschich à l’héroïne, en passant par des substances étranges dont j’avais encore jamais entendu parler), des vendeurs de lait accompagnés de leurs troupeaux de buffles, des mendiants, des curieux, des touristes, des pèlerins… Et puis il y a le Gange, sur lequel circulent de nombreuses barques. Quelques rares pêcheurs et des promeneurs de touristes essentiellement. Tout est encore très calme cependant… Les rabatteurs et vendeurs à la sauvette ne sont pas encore trop pressant. 

Je discute plus d’une heure avec un jeune. Il possède une barque et promène le touriste, même si l’essentiel de ses revenus provient de la revente de drogues…Il me parle de la fameuse Khumba Mela, la grande réunion de Sadhus (des vrais !) qui a lieu tous les 12 ans ici. On boit un chai. Je retrouve un peintre anglais, déjà rencontré à Jaisalmer ! Cela fait 13 ans qu’il vient peindre en Inde 6 mois de l’année ! En fait, il a ses habitudes et tout le monde le connaît ! Je continue finalement ma promenade… Je me retrouve à proximité du ghat de crémation principal, le Manikarnika Ghat … Bon, cette fois je suis bien décidé à prendre des photos. La première fois, la mafia locale a souhaité me faire payer 300 Rs la photo ! La mafia locale, ce sont ceux qui s’occupent des bûchers… De la vente du bois à la mise en urne des cendres… Il y a une entente tacite entre les policiers et ces corbeaux qui vivent de la mort… Il paraît que l’homme le plus riche de la ville est un revendeur de bois… Bref, dans l’impossibilité de prendre des photos ouvertement, j’ai découpé un petit sac (merci Hélène !) afin de ne laisser dépasser que l’objectif… J’ai même peint en noir les inscriptions sur l’objectif pour une totale discrétion !… Je prends quelques photos… De loin… Je vais ensuite faire un tour derrière le ghat, là où tout le bois est entassé. Un homme se retourne juste devant moi et m’aborde… Il a tout vu ! Je suis entre les griffes de la mafia ! Le corbeau a des petits yeux méchants… Il me parle d’un Israélien qui a dû payer 4 000 Rs hier pour avoir pris des photos… Il veut m’emmener dans son bureau… Je m’excuse pour les photos et refuse de le suivre où que ce soit… Le ton monte… Il se met à rameuter ses collègues… Et puis fort heureusement pour moi, un Indien est venu à ma rescousse… Un chic type du Kerala, ancien navigateur… Il m’a entendu m’excuser et cela lui suffit… C’est du moins ce qu’il me dira plus tard, autour d’un chai… Bref, il hausse le ton à son tour et renvoie le corbeau à son travail ! Voyant que le ton monte encore d’un cran, j’essaie de calmer tout le monde… Mais tout finira très vite… Il n’existe aucune loi qui interdise de prendre des photos des crémations… Partout où cela est interdit, cela est clairement écrit… Le corbeau s’éloigne… Je remercie mon sauveur… et l’invite à boire le thé… C’est finalement lui qui se confond en excuse ! Pour tous les agissements malhonnêtes de ses compatriotes ! Et c’est lui qui insiste pour me payer le chai ! Il a 63 ans… « Richement » et proprement habillé. Il n’est pas marié ! Il passe maintenant son temps à voyager et c’est la première fois qu’il vient à Varanasi…

Au hasard des rues...

On en vient à parler culture, traditions, et bien sûr religion… C’est son interprétation qui me semble la plus censée de toutes celles que j’ai entendues à ce jour… Loin de l’idolâtrie des uns ou de la certitude des autres… L’Hindouisme faisant sienne toutes les philosophies et religions, nul doute que chacun peut y trouver ce qu’il y recherche ! Je ne me souviens même plus de son nom… En fait, j’ai la fâcheuse tendance à oublier rapidement l’identité de tous ceux et celles que je croise… Il faudrait que je prenne des notes ! Je crois pourtant que ce qui fera la richesse de mon voyage, ce sera les rencontres fortuites avec de telles personnes…

Je poursuis finalement ma route le long des ghats… Jusqu’au dernier… Puis retour ce soir par le même chemin (je ne me suis pas arrêté cette fois au Manikarnika Ghat !)…

J’ai retrouvé Arti pour ma leçon d’hindi… Mais je ne m’avère pas être un élève brillant… Je sais à peine compter jusqu’à 10…

Demain, si le temps persiste au beau, j’irai faire un tour à Sarnath… A seulement 13 kilomètres d’ici…

28/12/02

Lieu : Varanasi

Stupa géant

Sarnath est un lieu saint du bouddhisme… C’est ici que se trouve le « parc aux cerfs », le lieu où l’Eveillé tint son premier sermon. On y trouve les ruines de sanctuaires et temples bouddhistes, tous rasés par les Moghols… Il y a aussi un mini-zoo, avec bien sûr des cerfs ! Un grand stupa, un temple, un Ficus Religiosa, petit-fils de celui de Bodhgaya, des touristes indiens et étrangers, et un nombre important de moines et de Tibétains… Le tout est situé dans de grands parcs bien entretenus avec pelouses, petites fleurs, ruisseaux et lotus ! Et puis il y a un musée archéologique… Le tout appartient à la plus importante association bouddhiste indienne… J’arrive vers 10h00 sur place… 2 heures pour faire 13 km… J’ai pris un rickshaw, un bus et un « tempo » (rickshaw collectif). La circulation est vraiment catastrophique ici. C’est pire qu’à Delhi… Enfin pas aux heures de pointes ! J'aurais pu y aller à pieds aussi rapidement… Je passe la matinée dans les ruines… Il ne reste vraiment pas grand chose… Le lieu est cependant super important pour les Bouddhistes… Dans le musée, ils passent devant chaque statue et frottent leurs amulettes… Des pèlerins tournent autour du stupa géant, certains en effectuant de grandes prosternations. D’autres, sur la pelouse autour de moi récitent ou chantent des prières et des mantras. C’est vraiment agréable de se poser ici… 

Surtout après la cohue incessante et le bruit infernal de Bénarès. Le coin est touristique et je trouve un petit restaurant…

Un peu plus tard, je visite le temple de Bouddha… Et j’y retrouve mon « sauveur » d’hier ! Il s’appelle Sivadas (le serviteur de Shiva !)… Il a l’air plutôt content de me retrouver… Moi aussi… Le monde n’est vraiment pas si grand… On passe le reste de la journée ensemble… On fait un tour de l’Arbre Sacré et on visite le musée. En fait on a surtout passé la journée à discuter. Du Ramayana, de la Gita, de Darwin (lui aussi !), de dieux et de Dieu, de déesses et de La Déesse, de la société indienne, de sexe – Et je tiens à ajouter qu’il était le seul à ce jour à ne pas avoir abordé le sujet ! –, de Bouddha, de Tantrisme, de Guru, de l’ego, de ses voyages… Et surtout des castes, car c’est le sujet qui m’intéresse plus particulièrement en ce moment… Ce voyageur de 63 ans possède une culture solide et une curiosité illimitée à l’égard de ce qui l’entoure… On boit quelques chai… Et on finit par rentrer ensemble à Varanasi. Il comprend que ce n’est pas facile de voyager pour un étranger… Quand les chauffeurs de rickshaw voient qu’il est accompagné par un étranger – moi, en l’occurrence -, ils doublent les prix ! On finit par prendre des rickshaws collectifs et on se retrouve sur les ghats en moins d’une heure… On finira par se séparer… Il a presque les larmes aux yeux ! Sacré Bonhomme…

Bouddha

Je finis ma journée sur les ghats avant de rejoindre mon hôtel où j’apprends que cela ne va pas être facile de rejoindre Gaya…

Ce soir il y avait 6 bûchers et 1 corps en attente… Un gamin profitait de l’air chaud dégagé par l’un des feux pour faire voler son cerf-volant. Un peu plus loin, des gamines trient la cendre pour ramasser d’éventuels restes de bijoux en or. D’autres enfants récupèrent le bois qui peut encore brûler. Autour des bûchers, les hommes restent immobiles, assis, silencieux, méditatifs… Moi-même je finis par contempler ce macabre spectacle avec un certain détachement…

Il me reste 4 jours avant le Gand Rendez-Vous… J’ai encore le temps…

Dimanche 29/12/02

Lieu : Varanasi

Belle journée ensoleillée aujourd’hui… La plus belle depuis mon arrivée ici. C’est la première fois que j’arrive à distinguer les deux ponts à chaque extrémité de la ville. Rien de prévu pour aujourd’hui… Tout va bien.

Je descends sur les ghats après avoir bu un pot de chai sur la terrasse de mon hôtel ! Je retrouve Arti un peu plus loin, déjà à pieds d’œuvre, elle accroche les touristes… Son frère Raja est avec elle. Je leur propose d’aller faire un tour en barque… J’envoie Arti demander la permission à sa mère. Un quart d’heure plus tard on est sur le Gange, dans la barque d’une relation d’Arti… Les ghats vus du Fleuve, sous cette lumière matinale, sont à la mesure de la renommée de la ville… C’est vraiment top classe ! Top classieux même ! On débarque sur l’autre rive (inhabitée car fréquemment inondée). On boit un chai dans le seul dhaba installé de ce côté et on part se balader.

Sur l’autre rive...

Arti et son frère n’étaient encore jamais allés aussi loin… Evidemment, on est pas tout seul… Il y a bien une cinquantaine de touristes indiens et une multitude d’adolescents qui récupèrent les cerfs-volant. Au retour, je prends les avirons… La barque est grande, lourde… On est à contre courant et à contre vent… Je ne fais pas le malin ! Et je laisse faire le professionnel sous prétexte de prendre quelques photos… Arti voudra également essayer, mais là c’est carrément la galère. Quant à son petit frère, il est super content car on a ramassé un cerf-volant… J’essaie d’aider Arti à vendre ses cartes postales en accostant les touristes. Je branche un Japonais, Sato, qui loge dans le même hôtel… Je lui offre le chai à condition qu’il achète au moins 1 carte postale à Arti… Odieux chantage auquel le Nippon me répondra d’un joyeux rire débridé ! L’affaire est faite ! 

Un peu plus tard, je retrouverai le sympathique Sato pour un combat de cerf-volant depuis la terrasse de notre hôtel… Les cuisiniers, les serveurs, le gérant, et tous les Indiens de passage viendront nous donner quelques leçons… 

Je ne suis pas encore très doué (J’ai perdu 7 cerfs-volant dans la journée) mais je suis déjà converti ! En fait, les Indiens ne se contentent pas de faire voler leurs cerfs-volant, il s’agit également d’abattre, voire de capturer les cerfs-volants qui passent à portée… Aujourd’hui c’est dimanche et il y a bien une centaine de patangs dans le ciel de Varanasi. Certains parviennent à maintenir leurs cerfs-volant à plus de 200 mètres, au-dessus de la rive déserte. Mais pour la grande majorité d’entre eux, c’est la guerre ! Il faut être très vigilant… L’ennemi peut fondre sur votre fil de n’importe quelle direction… Le Japonais (descendant de Kamikaze ?) se montre beaucoup plus habile que moi… Mais pour aujourd’hui, les indiens sont les maîtres des airs… En milieu d’après-midi, un jeune couple de Suisses se sont joints à nous. En fin de journée, il y avait 6 cerfs-volant qui partaient de notre terrasse… 1 français, 1 nippon, 2 suisses et 2 indiens… Seulement 1 quart d’heure à peine après le début des hostilités, il n’y avait plus que le japonais qui résistaient encore aux assauts combinés des 2 indiens !

J’ai rejoint Arti avant la nuit afin de lui donner le « Ramayana » et de boire un dernier chai avec elle… Pour aujourd’hui…

Demain, je suis encore à Varanasi… J’espère partir à 16h00 pour Gaya en train… Plus que 3 jours avant la Révélation …?!…

30/12/02

Lieu : Varanasi / Gaya

J – 2…

Journée dans un brouillard épais… J’avais prévu de naviguer sur le Gange au lever du Soleil avec Arti et ses frères. Le Soleil n’a même pas daigné apparaître avant 10h00… et encore tellement voilé qu’on le discernait à peine ! En fait on avait du mal à y voir à plus de 50 mètres… J’ai profité de cette dernière journée pour une fois de plus me rendre sur les ghats. Retrouver Arti, boire quelques chai, observer la vie en méditant face au Gange…

A 15h30, je récupère enfin mon billet de train ! C’est une sur-réservation… Je risque de ne pas trouver de place assise. Ce n’est pas grave, le voyage ne dure que 5 heures, départ à 16h30, cela devrait vite se passer…

Sur les ghats...

16h25… Sur le quai n°6, il y a bien un train… Mais ce n’est pas le mien… Vu le monde qu’il y a dans la gare, il n’est pas possible d’accéder aux comptoirs… J’ai trouvé le N° du quai sur un panneau d’affichage en hindi grâce au numéro du train, le 3010… Je me renseigne autour de moi… Avec mes sacs, ce n’est même pas la peine que j’envisage de retourner dans la gare… Je suis sur le bon quai, mais le train a du retard… J’achète quelques cacahuètes… Je ne peux pas quitter mes sacs des yeux et l’attente se prolonge. Les annonces officielles de la gare se succèdent… Le train N° 5463, en provenance d’Amritsar, (arrivée prévue 18H05), arrivera en retard. Son entrée en gare se fera sur le quai N°9 (initialement prévue quai 5) à 2h27 a.m. Celui que j’ai pris pour venir de Varanasi arrivera aussi à plus de minuit… Je suis épaté par la ponctualité du 2h27 a.m., car si la SNCI était capable de prévoir des arrivées avec autant de précision, je ne serai certainement pas sur ce quai à attendre mon train. Régulièrement, j’interroge mes voisins… Tous le confirment, mon train est en retard… Certains me font signe d’écouter les annonces… Mais le train N° 3010 à destination de Calcutta n’est jamais mentionné… Pourtant il y en a bien une dizaine… Parfois ceux qui me renseignent attendent même les annonces avec moi… Mais je reste sans nouvelle officielle…

Finalement deux jumeaux américains débarquent sur le quai. Ils attendent aussi le train pour Calcutta où ils désirent se rendre. Ils viennent d’avoir les informations à la gare, le train n’arrivera pas avant 19h00… Un autre touriste se joint à nous… Il est canadien d’origine indienne, mais il ne parle que l’anglais… Il nous propose d’aller nous asseoir plus loin sur une caisse (c’est toujours mieux que sur nos sacs sur le quai)… On retrouve Benoît, un autre canadien qui parle avec un super accent canadien le français ! Il est de Québec ! Tous ont déjà vécu une expérience de méditation vipassana. Les jumeaux américains la pratiqueraient même depuis 5 ans. L’anglo-canadien en serait à son niveau 2 de Reishi (travail sur l’énergie corporelle par application des mains) et Benoît à plus ou moins découvert la méditation il y a 2 mois, à Mc Leod Ganj ! 

Sur les quais...

Ils parlent entre eux en américain de leurs diverses expériences… Je ne capte pas encore grand chose… Mais je préfère encore me taire même si je m’intéresse de près au sujet. En fait je ne comprends vraiment bien que Benoît qui se complaît à parler anglais avec un terrible accent français ! Et je suis persuadé qu’il ne le fait même pas exprès pour moi !…

La nuit tombe… Des rats courent sur les voies et même sur les quais entre nos sacs…

Toujours pas de train… Les jumeaux américains ont des places réservées. Les Canadiens et moi avons des places en liste d’attente. Le train est annoncé… en hindi… et pas en anglais ! C’est le seul à ne pas être traduit ! Merci à l’un des jumeaux qui baragouine un peu la langue… Le train arrive… Nos billets ne mentionnent même pas un numéro de wagon… Le train est comble… On se dirige vers les premières classe, d’où on se fait refouler proprement avec nos billets à 100 Rs ! Et même pas par les contrôleurs ! Par les voyageurs qui ne veulent pas que l’on squatte leurs couloirs… En 1ère aussi, c’est plein ! On parcoure le train, moitié sur le quai, moitié à traverser les wagons à la recherche d’une petite place. Pour être franc, il n’y a même pas la place pour que je puisse déposer mon sac ! Tous les lits sont déjà déployés et les bagages occupent les moindres espaces… On a du mal à circuler avec nos sacs… On croise des vendeurs de tout… Du chai, des en-cas, des jouets, des colliers, des chaussures, des fruits, des livres… De tout… On tombe sur nos jumeaux américains… Ils occupent un compartiment avec une famille de Tibétains… Chacun se sert un peu… Et on arrive à y loger nos sacs et nos carcasses ! J’occupe la couchette supérieure, avec l’anglo-canadien, 2 valises et 3 sacs à dos… Quand les Tibétains ont voulu se coucher, les Américains sont allé s’asseoir entre les wagons… Compassion… Je vous passe les détails du voyage… ça serait beaucoup trop long… On essaye tous de dormir comme on peut, vautrer sur nos sacs, coincé par le plafond…

On arrive à Gaya à 3h00 du matin… Les jumeaux retrouvent enfin leurs couchettes ! Devant la gare, on trouve encore tout un tas de dhabas encore ouverts… On cherche vainement un hôtel en s’aidant des guides… Tout est fermé ou bien le veilleur ne souhaite même pas se lever… On finit par se retrouver dans une espèce de « chambre » pour terminer la nuit…

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